Colloque en ligne organise虂 par la The Tocqueville Society/La Socie虂te虂 Tocqueville et The Center for Critical Democracy Studies at The American University of Paris.听
Information on accessing the conference sessions will be shared with all registrants 24 hours in advance of the start of the conference.
In his Democracy in America (volume 2, 1840), Tocqueville makes the passion for well-being a consequence of equality. When "ranks are mingled and privileges destroyed, when patrimonies divide and enlightenment and liberty spread, the desire to gain well-being occurs to the imagination of the poor, and the fear of losing it to the mind of the rich." (Vol. II, Part 2, Chapter 10).听 Tocqueville paints a bleak picture of a constant threat within democratic society, in which we are alienated by the search for "small and vulgar pleasures" and subject to the "soft despotism" of a political power that "likes citizens to rejoice provided they only think of rejoicing.鈥 It is a nation that "willingly works for their happiness, but wants to be its sole agent" and "which thus reduces each nation to a herd of timid and industrious animals whose government is the shepherd" (II, 4, 6).
He concludes, nonetheless, that what most satisfies government "is the greatest welfare of all" (II, 4, 8) and that no government can be stable if it does not satisfy this democratic passion. Tocqueville's vision proved prophetic, and welfare did indeed become a central feature of modern governance. With the Welfare State emerging as a dominant form of state across the 20th century, assuring the well-being of citizens became an indispensable mode of governance necessary for the regulation of economic growth, for the protection of citizens and for guaranteeing their standard of living against the incessant crises of capitalism and life鈥檚 hazards. But this consensus on the nature and value of well-being and the economic growth that makes it possible has once again been called into question by the contemporary crises of pandemic, representative democracy, financial capitalism and the inequalities it engenders as well as the threats to the environment posed by the race to consume and to ensure our material well-being.听
It is therefore an opportune moment to return to the very notion of well-being and to take stock of its different competing conceptions. Elaborated by the Enlightenment, particularly by materialist philosophers and English utilitarians, the notion of "well-being" ran through the entire 19th century, from works of political and social theory to novels that presented the new economy of desire. In this tradition, it is not always easy to distinguish between "comfort" - the word appeared in 1815 -, the satisfaction of material needs and the feeling of fullness or happiness. In On Liberty (1859), John Stuart Mill made his own case to Tocqueville that well-being could not be reduced to pleasure or to hedonism and that freedom as well as individuality were constituents of well-being. More than a century later, when Amartya Sen introduced the notion of "capabilities," it was precisely to introduce the freedom to act into the calculation of well-being: well-being could not be measured only by the level of consumption and the quantity of resources available, but included the capacity of each person to transform them into utilities, into well-being. The measurement of well-being by expressed preferences alone was thus called into question, and the role of political institutions, social and gender relations, as well as collective imaginaries in shaping individual expectations, could no longer be underestimated.
The aim of this multidisciplinary colloquium will be to bring together philosophers, historians, economists, sociologists and colleagues in French and in English to explore together the different conceptions of well-being at stake and their critiques.
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Dans De la De虂mocratie en Ame虂rique (1840), Tocqueville fait de la passion du bien-e虃tre la conse虂quence de l'e虂galite虂. Lorsque 芦 les rangs sont confondus et les privile虁ges de虂truits, quand les patrimoines se divisent et que la lumie虁re et la liberte虂 se re虂pandent, l'envie d'acque虂rir le bien-e虃tre se pre虂sente a虁 l'imagination du pauvre et la crainte de le perdre a虁 l'esprit du riche 禄 (II, 2, 10). Tocqueville dresse un tableau noir de ce qui menace les socie虂te虂s de虂mocratiques, alie虂ne虂es par la recherche de 芦petits et vulgaires plaisirs禄 et soumises au 芦 despotisme doux禄 d鈥檜n pouvoir politique qui 芦 aime que les citoyens se re虂jouissent a虁 condition qu鈥檌ls ne songent qu鈥檃虁 se re虂jouir 禄, 芦 qui travaille volontiers a虁 leur bonheur, mais veut en e虃tre l鈥檜nique agent 禄 et 芦 qui re虂duit ainsi chaque nation a虁 n鈥檈虃tre plus qu鈥檜n troupeau d鈥檃nimaux timides et industrieux dont le gouvernement est le berger 禄 (II, 4, 6).
Il n'en conclut pas moins que ce qui satisfait le plus les regards du cre虂ateur, 芦 c'est le plus grand bien- e虃tre de tous 禄 (II, 4, 8) et qu'aucun gouvernement ne peut e虃tre stable s'il ne satisfait cette passion de虂mocratique. La vision de Tocqueville s鈥檈st ave虂re虂e prophe虂tique et le bien-e虃tre est effectivement devenu une affaire d鈥橢虂tat, le Welfare State s鈥檌mposant aux E虂tats au cours du XXe sie虁cle comme le mode de gouvernance indispensable pour re虂guler la croissance e虂conomique, prote虂ger les citoyens et garantir leur niveau de vie contre les crises incessantes du capitalisme et les ale虂as de la vie. Mais ce consensus sur la nature et la valeur du bien-e虃tre ainsi que de la croissance e虂conomique qui le rend possible est de plus en plus remis en question par la crise sans pre虂ce虂dent que nous traversons, une crise a虁 la fois des de虂mocraties repre虂sentatives, du capitalisme financier et des ine虂galite虂s qu鈥檌l engendre, des E虂tats-providence comme des menaces sur l鈥檈nvironnement que fait peser la course a虁 la consommation et au bien-e虃tre.
Le moment est donc opportun de revenir sur la notion me虃me de bien-e虃tre et de faire le point sur les diffe虂rentes conceptions qui s鈥檃ffrontent. E虂labore虂es par les Lumie虁res et notamment par les philosophes mate虂rialistes, et par les utilitaristes anglais, la notion de 芦 bien-e虃tre 禄 parcourt tout le XIXe sie虁cle, qu'il s'agisse des travaux des publicistes ou des romans qui donnent a虁 voir la nouvelle e虂conomie des de虂sirs. Il n'est pas toujours aise虂 de distinguer dans le bien-e虃tre ce qui rele虁ve du 芦 confort 禄 鈥 le mot apparai虃t en 1815 鈥, de la satisfaction des besoins mate虂riels et du sentiment de ple虂nitude ou de bonheur. John Stuart Mill, dans De la Liberte虂 (1859), re虂pondait a虁 Tocqueville que le bien-e虃tre ne se re虂duit pas au plaisir, a虁 l鈥檋e虂donisme, et que la liberte虂 comme l鈥檌ndividualite虂 sont des constituants du bien-e虃tre. Quand Amartya Sen introduit la notion de 芦 capabilite虂s 禄, c鈥檈st justement pour introduire la liberte虂 d鈥檃gir dans le calcul du bien-e虃tre : celui-ci ne peut se mesurer seulement par le niveau de consommation et la quantite虂 de ressources disponibles, mais inclut la capacite虂 de chacun de les transformer en utilite虂s, en bien-e虃tre. La mesure du bien-e虃tre par les seules pre虂fe虂rences exprime虂es est ainsi remise en question et le ro虃le des institutions politiques, des rapports sociaux et de genre, comme des imaginaires collectifs pour fac抬onner les attentes de chacun ne peut plus e虃tre sous-estime虂.
Le but de ce colloque pluridisciplinaire sera de re虂unir philosophes, e虂conomistes, sociologues et colle虁gues du monde francophone et anglophone afin d鈥檈xplorer ensemble les diffe虂rentes conceptions du bien- e虃tre en jeu et leurs critiques.
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Pre虂sident de se虂ance : Stephen Sawyer (Director of the American University of Paris)
"While ecological crises are worsening before our eyes, existing models and frameworks do not connect enough the degradation of natural systems with the differentiated responsibility and vulnerability of human groups. This presentation will attempt to articulate human well-being and the preservation of the Biosphere, using a social- approach and insisting on two critical nodes: the essential link between the health of ecosystems and the health of humans; the reciprocal relation between justice and sustainability."
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Traduction et re虂ception du concept de bien-e虃tre en Chine. E虂tude autour de l鈥櫯搖vre de John Stuart Mill (re虂sume虂 en anglais et lecture par Catherine Audard).
Pre虂sident de se虂ance : Michel Forse虂 (ENS)
"La mesure du bien-e虃tre mate虂riel d鈥檜ne socie虂te虂 et de son e虂volution est une question toujours pre虂sente dans le de虂bat public. Si l鈥檕n s鈥檈n tient a虁 la mesure du seul bien-e虃tre mate虂riel ressenti par les individus on est confronte虂 au paradoxe de la stabilite虂 a虁 long terme du bien-e虃tre malgre虂 la forte croissance des revenus et de la consommation du citoyen 芦 moyen 禄. Pour tenir compte simultane虂ment de la stabilite虂 a虁 long terme du bien-e虃tre et de son ame虂lioration au cours de la courte pe虂riode ou虁 la croissance est forte il faut disposer d鈥檜n indicateur qui combine le caracte虁re 芦 relatif 禄 du niveau de bien-e虃tre d鈥檜ne ge虂ne虂ration et l鈥檌mpact 芦 absolu 禄 de la croissance du revenu, ici approxime虂 par le PIB/habitant, en cours de vie. Pour cela il est possible de distinguer dans l鈥檈虂volution du bien-e虃tre un effet d鈥檃虃ge et un effet de ge虂ne虂ration : chaque individu d鈥檜ne ge虂ne虂ration est dote虂, au de虂but de sa vie, d鈥檜n niveau de bien-e虃tre initial proportionnel au revenu relatif dont dispose sa famille. Par la suite le bien-e虃tre de chaque individu e虂volue comme le revenu re虂el dont il dispose. A long terme, cet indicateur de虂pend de la re虂partition du revenu (une re虂duction des ine虂galite虂s augmente le bien-e虃tre social) et du taux de croissance de l鈥檈虂conomie, la hausse du revenu par habitant conduisant a虁 une augmentation durable du bien-e虃tre, puisque les ge虂ne虂rations en cours de vie be虂ne虂ficient d鈥檜n bien-e虃tre plus e虂leve虂. Il e虂volue e虂galement positivement en fonction de la dure虂e de la vie et du vieillissement car la part des ge虂ne虂rations ayant be虂ne虂ficie虂 d鈥檜ne hausse du bien-e虃tre au cours de la vie augmente.
Le calcul de cet indicateur pour quatre pays, France, Italie, Etats-Unis et Grande-Bretagne de 1950 a虁 2000 avait montre虂 que le bien-e虃tre a tre虁s fortement augmente虂 en France et en Italie dans les anne虂es cinquante a虁 soixante- dix avant de stagner depuis les anne虂es quatre-vingt. Aux Etats-Unis et en Grande Bretagne l鈥檈虂volution du bien- e虃tre aurait e虂te虂 nettement plus re虂gulie虁re. Si le taux de croissance du revenu par habitant se maintenait au niveau actuel en France et en Italie, le niveau de bien-e虃tre y diminuerait de 20 a虁 40 % en 2050 alors qu鈥檌l se stabiliserait au niveau actuel en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Dans les quatre pays une croissance e虂conomique de 2 % par an permettrait juste de stabiliser le niveau de bien-e虃tre a虁 long terme. Ces re虂sultats montrent que pour garantir le maintien d鈥檜n niveau e虂leve虂 de bien-e虃tre social la politique e虂conomique doit viser dans le long terme a虁 la fois un taux de croissance e虂conomique e虂leve虂 et la re虂duction des ine虂galite虂s. On se propose ici de reprendre ce calcul pour l鈥檃ctualiser sur la pe虂riode re虂cente et tenter de ve虂rifier l鈥檌mpact de la hausse des ine虂galite虂s dans un contexte de faible croissance qui peut conduire me虂caniquement a虁 une crise sociale d鈥檃mpleur. On discutera aussi des perfectionnements envisageables de l鈥檌ndicateur qui pourrait e虃tre calcule虂 au cours de la pe虂riode re虂cente a虁 partir de micro donne虂es et inte虂grer un indicateur d鈥檈虂volution du revenu fonde虂 sur le reste a虁 vivre pluto虃t que sur le revenu total."
" Les recherches empiriques, en particulier l鈥檈xpe虂rimentation finlandaise, permettent de dire quelque chose sur l鈥檌mpact qu鈥檃urait l鈥檌nstauration d鈥檜n revenu de base inconditionnel sur le bien-e虃tre de ses be虂ne虂ficiaires. Mais elles ne permettent pas de dire grand-chose sur l鈥檌mpact qu鈥檈lle aurait sur le bien-e虃tre total de la population concerne虂e. A supposer qu鈥檈lles le puissent, quelle importance l鈥檌nvestigation de cette question empirique peut- elle avoir pour l鈥檈虂valuation de la proposition d'instaurer un revenu inconditionnel ?"
Les m茅nages obtiennent les biens et services n茅cessaires au bien-锚tre de leurs membres en bonne partie dans la sph猫re marchande. La marchandisation des biens et des services est d茅sormais largement 茅tendue, que ce soit pour la nourriture, le logement, les v锚tements, les loisirs, les pratiques culturelles, les soins personnels, le transport, etc. Bien entendu, le bien-锚tre ne se r茅duit pas 脿 la consommation marchande, mais cette derni猫re est d茅sormais incontournable 脿 la suite de la division du travail (Durkheim) et de l鈥檜rbanisation (Weber) comme le montrent les d茅bats sur le pouvoir d鈥檃chat en France et les politiques de soutien du revenu en contexte actuel de pand茅mie dans les soci茅t茅s d茅velopp茅es. Nous analysons la convergence transversale et temporelle des comportements de consommation entre classes socio茅conomiques 脿 partir des enqu锚tes budg茅taires canadiennes de 1969 脿 2018 avec une approche qui prend en compte le caract猫re relatif des besoins sociaux (Simmel, Tocqueville, Sen, etc.). 脌 cause de la hausse du niveau de vie sur le long terme, les diffusions transversale et longitudinale entre les classes socio茅conomiques vont dans le m锚me sens pour la majorit茅 des fonctions de consommation (r茅gression du poids de l鈥檃limentation et hausse du poids des fonctions transports, logement, loisirs, NTIC, habillement, protection et d茅penses diverses), mais les deux types de diffusion n鈥櫭﹙oluent pas au m锚me rythme. Les m茅nages ais茅s accroissent leurs efforts budg茅taires plus rapidement que les m茅nages pauvres et de classes moyennes inf茅rieures pour satisfaire les nouveaux besoins. Une loi de consommation se d茅gage des donn茅es portant sur un demi-si猫cle听:听quand un poste de consommation est dynamique temporellement听(i.e. son coefficient budg茅taire augmentant plus rapidement lorsque le revenu s鈥檃ccro卯t entre deux p茅riodes),听il est plus diff茅renci茅 socialement.
"Il est a虁 pre虂sent commune虂ment admis que l鈥檈虂tude du bien-e虃tre se doit d鈥檌ncorporer une mesure de la satisfaction a虁 l鈥檈虂gard de la vie que l鈥檕n me虁ne. Cette satisfaction est ici analyse虂e a虁 l鈥檃ide d鈥檜ne question pose虂e dans deux sondages re虂alise虂s en France en 2009 puis 2013 sur la perception des ine虂galite虂s et les sentiments de justice. Les 3 incidences sur le bien-e虃tre subjectif du revenu, de la vie professionnelle, de la mobilite虂 sociale et de la frustration relative ou plus largement de la comparaison aux autres, ainsi que des relations sociales et affectives sont mises en e虂vidence. Mais il apparai虃t aussi une forte corre虂lation avec les sentiments a虁 l鈥檈虂gard de la justice de la socie虂te虂 dans son ensemble. Ce lien n鈥檈虂tait pas donne虂 d鈥檃vance, puisqu鈥檌l s鈥檃git dans un cas d鈥檜n jugement sur sa vie personnelle et, dans l鈥檃utre, sur la socie虂te虂 prise globalement. Il peut cependant trouver une explication dans des the虂ories de la justice et notamment celle de Rawls. C鈥檈st en tous cas la虁 une dimension explicative qui ne se re虂duit pas aux autres, ni me虃me a虁 la simple perception des ine虂galite虂s, et il serait de虁s lors opportun, pour mieux comprendre le bien-e虃tre subjectif, qu鈥檃虁 co虃te虂 de tous les indicateurs classiquement utilise虂s et qui jouent leur ro虃le, il soit davantage tenu compte de cette relation avec les sentiments de justice sociale."